Russie – Le bilan de la phase de groupe

Lorsque la saison 2013-2014 se terminait, six clubs russes étaient qualifiés pour les compétitions européennes (ou les préliminaires) et quatre se sont qualifiés pour la phase finale. Désormais, la phase de groupe est terminée et le tirage de la phase à élimination directe a été fait. Il ne reste que deux clubs russes en lice. L’heure du bilan européen pour les clubs russes à la moitié de la saison. Après les clubs engagés en Ligue des champions, nous faisons aujourd’hui le point sur la Ligue Europa.
Lokomotiv Moscou
Toujours ambitieux, le Lokomotiv Moscou, malgré un passé plutôt glorieux, éprouve ces derniers temps des difficultés chroniques à obtenir sa place en compétitions européennes, mais en tant que troisième de Russie, sa saison débutait aux barrages de la Ligue Europa.
Le Lokomotiv Moscou n’est parvenu à représenter la Russie en Europe de façon correcte qu’une seule fois sur les cinq années précédentes. C’était lors de la saison 2011-2012 en Ligue Europa où il avait totalisé quatre victoires contre l’AEK d’Athènes et le Sturm Graz et deux défaites contre le RSC d’Anderlecht, se qualifiant pour les seizièmes de finale où il s’inclinait contre le futur finaliste de l’Athletic Bilbao à la règle des buts inscrits à l’extérieur. L’autre participation européenne est négligeable. Lors de la saison 2010-2011, le Lokomotiv entrait en scène en barrages de la Ligue Europa contre le modeste club de deuxième division suisse du Lausanne-Sport. Largement favori, le Lokomotiv passait à la trappe après deux nuls et une séance de tirs aux buts fatale malgré l’avantage de jouer le match retour à domicile.
Il existe une étrange pratique chez les grands clubs russes en barrages de la Ligue Europa qui consiste à se faire éliminer face à une équipe largement inférieure sur le papier, une habitude dévastatrice pour le coefficient UEFA. Cette tradition est née en 2009-2010 lorsque le Zénit Saint-Pétersbourg était éliminé par les modestes Portugais du CD Nacional Madère (3-4 ; 1-1). La saison d’après en 2010-2011, le Lokomotiv Moscou s’inclinait contre Lausanne-Sport, une équipe de D2 suisse comme mentionné ci-dessus (1-1 ; 1-1, tab 3-4). Puis en 2011-2012 à un degré moindre, c’est le Spartak Moscou qui, en ballotage favorable après avoir obtenu un nul en Pologne (2-2) s’écrasait de lui-même à domicile contre le Legia Varsovie (2-3). En 2012-2013, le CSKA Moscou rencontrait les Suédois de l’AIK Solna après avoir joué la phase à élimination directe de la Ligue des champions la saison précédente. Il s’imposait en Suède (1-0) mais chutait inexplicablement à domicile en encaissant le but fatal en toute fin de match (0-2) ce qui n’était pas loin de constituer une véritable humiliation. En 2013-2014, le Spartak Moscou affrontait le petit club suisse de Saint-Gallen. Il allait chercher un nul décevant en Suisse (1-1) mais qui le plaçait en position de force à l’approche du match retour, et malgré un but inscrit dès la deuxième minute, le Spartak s’effrondrait à domicile (2-4). Et cette saison 2014-2015, qui pour perpétrer la tradition ? C’est le Lokomotiv Moscou qui est venu gonfler le palmarès. Versé contre le petit club chypriote de l’Apollon Limassol, les Moscovites sont allés chercher un nul relativement décevant sur la pelouse adverse avec deux expulsions (1-1) avant de se tirer une balle dans le pied en vivant une humiliation en règle à domicile (1-4).
Ainsi, les Moscovites auront traversé comme une ombre leur saison européenne et cet échec est d’autant plus coûteux à la Russie que les deux autres clubs qualifiés pour la Ligue Europa ont été versé dans le quatrième chapeau lors du tirage au sort et que l’un d’eux a hérité du groupe de la mort alors que le Lokomotiv avait un coefficient bien plus élevé qu’eux et aurait pu bénéficier d’un groupe abordable.
Dinamo Moscou
Depuis plusieurs années, l’ancien club de Lev Yachine a des difficultés. Depuis l’effondrement de l’Union soviétique, il n’est parvenu à obtenir qu’un unique titre de champion de Russie et a échoué deux fois lors des cinq dernières années au stade des barrages de la Ligue Europa. D’un autre côté, le Dinamo Moscou a fait parler de lui durant le mercato estival en recrutant ni plus ni moins que l’international français Mathieu Valbuena en provenance de l’Olympique de Marseille. Une recrue osée, mais qui se révélera capitale pour la saison aussi bien européenne que nationale.
Défense fragile, irrégularité, efficace de temps à autre, réserve de quelques internationaux russes. Telles étaient les caractéristiques du Dinamo Moscou lorsque Valbuena arrivait au club ce qui soulevait des interrogations à propos de son avenir. Et pourtant, Valbuena s’y est idéalement intégré, multipliant les coups d’éclat sous les couleurs du Dinamo et c’est avec lui ainsi qu’un brillant secteur offensif qui comprend Kokorine, Jirkov, Kuranyi, Noboa, Ionov, Proudnikov que le Dinamo allait réaliser ce qui sera de loin sa meilleure saison européenne, exception faite du quart de finale en C2 1995-1996.
Pour son entrée en lice au troisième tour préliminaire de la Ligue Europa, le Dinamo Moscou, quatrième de Russie la saison dernière, était confronté aux Israéliens de l’Ironi Kiryat Shmona. Les éliminatoires sont pourtant laborieux pour le Dinamo. Malgré une grosse domination, un manque de réalisme et une défense fragile valaient au Dinamo de concéder le nul à domicile (1-1). Ils réussissaient cependant à se qualifier en s’imposant sur la pelouse chypriote (2-1), les clubs israéliens ne pouvant évoluer dans leur pays à cause des troubles dans leur pays. Le Dinamo accédait ainsi aux barrages qu’il n’avait jamais franchis où il était opposé aux Chypriotes de l’Omonia Nicosie. De nouveau, l’histoire commence à se répéter. Malgré une grosse domination, le Dinamo concédait le nul à domicile après avoir été mené deux fois et avoir perdu Kokorine sur expulsion (2-2). Au retour, malgré l’ouverture du score, l’élimination se dessinait avec l’égalisation adverse, mais à la dernière seconde, le défenseur Samba inscrivait le but de la qualification (2-1). Une véritable délivrance pour un club ambitieux qui avait déjà calé à ce stade en 2009-2010, puis en 2012-2013. Sans convaincre, le Dinamo obtenait sa qualification pour sa première Ligue Europa, mais était versé, tout comme le FK Krasnodar, dans le quatrième pot. Contrairement à leurs homologues de Krasnodar, les Moscovites obtenaient un tirage abordable à défaut d’être clément avec le PSV Eindhoven, le Panathinaïkos et l’Estoril Praia. Un sans-faute ! Cet unique mot est suffisant pour décrire cette expérience en poules. En effet, le Dinamo remportait tous ses matchs, d’abord sur la pelouse du Panathinaïkos (2-1), puis à domicile contre le PSV Eindhoven (1-0), avant le déplacement au Portugal (2-1), suivi de la réception de l’Estoril (1-0), précédant la réception du Panathinaïkos (2-1), et le tout achevé par une victoire aux Pays-Bas (1-0).
Le Dinamo copie ainsi le Zénit Saint-Pétersbourg qui avait réalisé un sans-faute en 2010-2011. Il a ainsi obtenu la première place, un statut de tête de série et de nombreux points UEFA. Les Moscovites dépassent ainsi au classement des équipes plus réputées telles qu’Everton ou Wolfsbourg. Pourtant, malgré ce sans-faute, le coefficient UEFA de la Russie sur la saison est insatisfaisant au vu des moyennes précédentes.
Ainsi, il est trop tôt pour se reposer sur ses lauriers. Pour les seizièmes de finale, le Dinamo a hérité du RSC Anderlecht., une équipe autrement plus difficile à remuer que le PSV Eindhoven et qui vient de se défaire de Galatasaray en Ligue des champions. Pour se qualifier au tour suivant, il lui faudra gérer le problème de la trêve hivernale et du manque de compétition. Dans une double confrontation ouverte, le Dinamo a les moyens de franchir l’obstacle.
FK Krasnodar
2008. C’est l’année de fondation du FK Krasnodar qui est donc un club extrêmement récent ! C’est également le club russe qui a le projet le plus intéressant. Celui que l’on appelle également le FKK a la chance d’avoir des dirigeants qui travaillent intelligemment en se privant des grandes stars internationales et en travaillant au développement des infrastructures, d’un stade propre et d’un grand complexe sportif , dont l’achèvement est prévu pour juillet 2015.
Ayant débuté en 2008 en D3 russe, il a grimpé l’échellon pour atteinte la D2 en 2009, puis la D1 en 2011. Saison après saison, le petit nouveau du football russe semble toujours plus fort et le nombre de victoires de prestiges ne cesse d’augmenter dont trois victoires écrasantes contre l’Anji Makhatchkala d’Eto’o et le Spartak Moscou avec quatre buts d’écart.
Cinquième de Russie la saison dernière, le FKK était le dernier club à privilégier d’une qualification à cette place, l’UEFA ayant purement et simplement supprimé une place européenne à la Russie (septième au classement UEFA) qui enverra à partir de 2015 un contingent de cinq équipes et non pas six. Marchant sur les traces du voisin du Kuban Krasnodar qui avait goûté à l’Europe la saison précédente pour la première fois de son histoire, les tours préliminaires ont été une formalité pour le FK Krasnodar. D’abord opposés aux Estoniens du JK Sillamaë Kalev dans le cadre du deuxième tour préliminaire, les « Byki » n’ont pas fait de détail en écrasant une opposition inexistante (4-0 ; 5-0). Au troisième tour préliminaire, ils rencontraient les Hongrois du Diosgyori VTK pour une nouvelle ballade de santé avec des scores par ailleurs généreux (5-1 ; 3-0). Le premier grand défi survenait aux barrages de la compétition où le FK Krasnodar, pas tête de série, tombait sur la Real Sociedad, le club basque qui avait participé à la Ligue des champions de la saison précédente en sortant notamment l’Olympique lyonnais. Le match aller voyait une courte victoire des Espagnols (0-1), mais au match retour, le FK Krasnodar surmenait une Real Sociedad aux abois défensivement en deuxième mi-temps (3-0) et obtenait une qualification historique mais perdait pour un carton rouge en fin de match son meilleur joueur Joaozinho ! Malheureusement, au tirage au sort qui a lieu le lendemain, le FKK était versé dans le groupe de la mort. En effet, si le LOSC Lille en tête de série était un tirage favorable, les Russes tombaient également sur les deux équipes à éviter des autres pots, le VfLWolfsbourg et et l’Everton FC. Pour son premier match, Krasnodar se déplaçait à Lille. Il ouvrait le score et se procurait plusieurs occasions de doubler la mise, mais se faisait finalement rejoindre en fin de match (1-1). Cette rencontre allait être reproduite plusieurs fois, à commencer par la réception d’Everton à domicile, le FKK ouvrant le score, dominant sans partage, se procurant plusieurs occasions de doubler la mise, mais concédant finalement l’égalisation en fin de match (1-1). Krasnodar perdait lourdement ses deux matchs contre Wolfsbourg en affichant les mêmes problèmes de réalisme avec plusieurs grosses occasions de but gâchées alors que le score était encore vierge (2-4 ; 1-5) . La réception à domicile de Lille était le match de la dernière chance en même temps que dans l’autre rencontre, Krasnodar devait espérer une victoire de Wolfsbourg sur Everton pour continuer d’être maître de son destin. Ayant retrouvé Joaozinho, le FKK ouvrait le score et se procurait comme souvent plusieurs occasions de doubler la mise sans les mettre au fond du filet. Dans l’autre match, Everton s’imposait contre Wolfsbourg et Lille égalisait en fin de match à Krasnodar ce qui mettait fin aux espoirs russes (1-1). Les « Byki » finissaient sur une victoire sur la pelouse d’Everton qui évoluait sans son équipe-type (1-0), réussissant pour la première fois à tenir un score jusqu’au bout.
Ainsi, l’aventure européenne s’est terminée dès la phase de groupe pour le FK Krasnodar. Le défaut observé, outre une défense parfois fragile, a toujours identique : le manque de réalisme. Krasnodar a systématiquement réalisé le même match en marquant très peu de buts pour le nombre d’occasions créées. En effet, les deux rencontres contre Lille et le match aller contre Everton sont les mêmes sur le plan du scénario et du jeu proposé. Il y a cependant beaucoup de positif à ressortir de cette expérience européenne. Le FKK a parfaitement existé dans le groupe de la mort, a fini devant le LOSC au classement final, a montré que son jeu offensif pouvait faire souffrir de grandes équipes. Les prestations de la colonie sud-américaine en attaque avec Ari, Joaozinho, Laborde et Wanderson peuvent être saluées. Cependant, le club regrettera que les trois nuls concédés n’aient pas été des victoires comme ils auraient du l’être au vu de la physionomie du match. Si les choses s’étaient passées ainsi, le FK Krasnodar aurait eu neuf points au lieu de trois au moment de se déplacer à Everton et aurait pu prétendre jusqu’au bout à la qualification.
FK Rostov
Ce club de la ville de de Rostov est l’un des clubs les plus anciens de Russie et n’a pas vocation généralement à jouer les places européennes. Au contraire, il est régulièrement obligé de lutter pour le maintien en D1. Cependant, le FK Rostov est aujourd’hui victime de la chute du rouble et n’arrive plus à payer les salaires de ses joueurs depuis juillet, mais au moment de jouer les barrages, ce problème n’était pas encore très conséquent.
L’un des plus anciens clubs de Russie, promu, puis relégué, puis promu, puis soudainement vainqueur de la Coupe de Russie ! Le FK Rostov est la surprise de la saison dernière en Russie, vainqueur de la Coupe ce qui lui permettait de garnir son palmarès pour la première fois. Son succès, il le devait au gardien croate Stipe Pletikosa, héros d’une fringante séance de tirs au but face au FK Krasnodar. Malheureusement, contrairement à la saison précédente, le vainqueur de la Coupe de Russie doit passer par les barrages au lieu d’une qualification directe.
Il est inhabituel de voir le FK Rostov prétendre aux places européennes et ce club n’avait jamais joué l’Europe auparavant. Automatiquement, il a écopé d’un tirage difficile en barrages, la faute à un coefficient UEFA bien trop bas qui ne lui permettait pas d’être tête de série. Le FKR était tiré face à un habitué de la Ligue Europa, Trabzonspor. Ses chances de qualification étaient minimes et malgré l’avantage de recevoir au match retour, le miracle n’eut pas lieu… Au match aller, sur la pelouse de Trabzonspor, le FK Rostov résistait jusqu’en deuxième mi-temps où le club cédait sur une grosse erreur de la défense et il concédait même un deuxième but en fin de match (0-2). Rostov était quasiment hors-course et lors du match retour, il ne parvenait qu’à obtenir un match nul (0-0). La saison européenne était terminée.
Le FK Rostov se sera battu comme il aura pu face à un club bien supérieur. Depuis juillet, il n’arrive plus à payer les salaires à cause la chute du rouble et est actuellement lanterne rouge du championnat. Peut-être Rostov aurait réalisé le même parcours héroïque que l’Anji Makhatchakala la saison précédente, mais cela aurait été peu probable. Rostov doit maintenant se concentrer sur le championnat pour s’extirper d’une place inquiétante de lanterne rouge.
Bilan d’ensemble
À l’issue de la phase de groupe, l’impression est mauvaise. En phase de poule, seul le Zénit n’a pas tenu son rang et les autres clubs ont joué plutôt correctement leur rôle. Le CSKA et le FK Krasnodar n’ont pas été gâté par le tirage tandis que le Dinamo est la seule équipe parvenue à réellement briller durant cette phase en se qualifiant avec la manière et en défendant par la même occasion le coefficient russe. En qualifications, l’élimination plus qu’évitable du Lokomotiv est une véritable mine de points UEFA bêtement perdus pour l’indice. L’absence du vainqueur de Russie, le FK Rostov a pu avoir une influence très négative également. Lors des deux saisons précédentes, le Rubin Kazan et l’Anji Makhatchkala, respectivement vainqueur de 2012 et finaliste de 2013, avaient directement obtenu leur qualification et avaient beaucoup apporté au coefficient. Contrairement à ses deux prédécesseurs, le FK Rostov a joué les barrages et s’est fait éliminer. Depuis plusieurs années, la Russie s’est montrée assez régulière sur le plan européen avec une moyenne d’environ 10.000 points au coefficient UEFA. Or, cette saison, à ce stade, la Russie totalise à peine les 7.000 points. Insuffisant pour espérer mieux qu’une septième place. Devant la France en début de saison, l’écart est désormais large entre les deux pays. Sur cette saison, les Russes sont même devancés par les Portugais et vont devoir faire mieux s’ils veulent parvenir à les devancer sur ces prochaines années.
Pyotr B.