Pourquoi Dietmar Hopp est-il aussi détesté en Allemagne ?

Si le nom de Dietmar Hopp n’évoque rien pour la majeure partie du public français, il est pourtant l’une des personnes les plus riches en Allemagne, voire même dans le monde. Ce milliardaire décide en 1990 d’investir beaucoup d’argent dans le TSG Hoffenheim, club extrêmement modeste dans lequel il a joué durant sa jeunesse. Trente ans plus tard, le mécène du club de Sinsheim attire encore les foudres d’une foule qui l’insulte dès qu’elle en a l’occasion. Derrière toutes ses insultes se cachent des causes très précises.
Hopp dans le viseur des supporters
Voilà maintenant plus d’une année que les stades n’accueillent plus personne en Allemagne à cause du contexte sanitaire actuel. Malheureusement, l’une des dernières scènes avec le public dans un stade allemand est absolument scandaleuse. Lors d’un match où le TSG Hoffenheim recevait le Bayern Munich, les supporters du club champion d’Allemagne se sont mis à violemment insulter Dietmar Hopp et à le menacer de mort via des pancartes. Après plusieurs interruptions, Christian Dingert a décidé d’arrêter le match. En effet, l’arbitre de la rencontre s’est senti obligé de prendre des mesures radicales. Après plusieurs longues minutes, le match reprend grâce à l’union des dirigeants des deux clubs qui viennent faire face aux véhéments supporters.
Hansi Flick, Oliver Kahn, et Hasan Salihamidžić demandent à leurs supporters d’immédiatement mettre fin au cirque et d’enlever les banderoles insultantes. Une fois les esprits calmés, le match reprend d’une manière totalement inédite. Tous les acteurs sur la pelouse décident de faire tourner le ballon et de ne pas continuer à jouer dans une ambiance désastreuse. Le score, largement en faveur du Bayern avec six buts marqués par l’ogre bavarois contre aucun but du côté de Hoffenheim, ne fait qu’alourdir l’atmosphère générale. La même semaine, d’autres banderoles insultant Hopp continuent d’être brandies dans plusieurs stades allemands, notamment par des supporters du Borussia Dortmund ou de l’Union Berlin. Il y a donc partout en Allemagne un net avis négatif concernant l’image de Dietmar Hopp.
L’amour des traditions allemandes
Il règne en Allemagne un profond respect pour les anciennes traditions du football. Récemment, cela a encore été prouvé grâce à l’absence totale des clubs allemands dans le projet de la Super League européenne. Les supporters étant très nostalgiques et accordant beaucoup d’importance aux valeurs d’antan, le fait de voir un club progresser aussi rapidement grâce à l’argent d’un investisseur ne passe absolument pas. Avec une progression spectaculaire se traduisant par une montée de cinq divisions en onze ans, passant de la huitième division à la troisième division, la colère des fans n’a fait que s’accroître. Ainsi, des clubs comme le TSG Hoffenheim, le RB Leipzig, le Bayer Leverkusen, ou le VfL Wolfsbourg font face à des critiques constantes et sont systématiquement désignés comme étant des clubs en plastique.
La fameuse règle du 50+1 mise en place par la DFL vient également renforcer cet esprit traditionnel. Cette règle stipule que pour obtenir une licence permettant de participer à la Bundesliga, un club doit détenir la majorité de ses propres droits de vote. Ainsi, la règle garantit aux membres du club la conservation du contrôle global en détenant strictement plus de 50% des actions, les protégeant ainsi des investisseurs externes. Malgré cela, certains groupes ou entreprises parviennent à contourner cette règle en distribuant des parts à leurs propres employés ou à leurs propres filiales.
Mercenaire ou visionnaire ?
Si Dietmar Hopp est aujourd’hui dans la légalité la plus absolue, c’est parce que la règle du 50+1 autorise un investisseur à détenir autant de parts qu’il le souhaite s’il continue d’investir pour le bien du club pendant plus de vingt ans. C’est en réalité pour cette raison que Hopp ne craint rien. D’autres investisseurs pourraient donc profiter de cette faille pour faire du business sur le long terme en Bundesliga. Une question essentielle se pose donc aujourd’hui en Allemagne. Les journalistes et les grands acteurs du football se demandent si les traditions ne pouvaient pas laisser certaines nouveautés voir le jour et s’adapter aux nouvelles règles du foot européen.
En effet, les nouvelles normes économiques et les nouveaux systèmes financiers sont en pleine explosion dans le monde du football et les clubs de Bundesliga risquent de ne pas pouvoir lutter éternellement face à la réalité économique de demain. Il n’est pas certain que l’Allemagne puisse indéfiniment lutter face à la tentation de l’argent, ne serait-ce que pour être compétitive sur la scène européenne. On voit bien que grâce à l’argent dépensé par le milliardaire allemand, le TSG Hoffenheim parvient parfois à participer à l’Europa League ou même à la Champions League. Seul l’avenir nous dira si Dietmar Hopp est un destructeur de traditions ou un visionnaire qui aura compris avant tout le monde la réalité du business du foot.
Ismaïl H.