Football féminin : mode d’emploi

L’art de taper dans le cuir et courir derrière un ballon 90 minutes n’est plus uniquement réservé aux garçons. Ces dernières années ont vu émerger un football féminin davantage médiatisé d’année en année comme en témoignent les retransmissions télévisuelles contestées mais récurrentes. Fort du succès des filles de l’Olympique Lyonnais ou encore des Bleues, cet aspect encore beaucoup trop méconnu se fait sa place entre deux sécrétions de testostérone, durement mais surement. Mais quels sont aujourd’hui les rapports de force ou bien les joueuses phares ? Décryptage.
Sélections
Le sixième titre européen consécutif de l’Allemagne obtenu en 2013.
L’Allemagne : 10 titres majeurs en 25 ans
Comme dans le football masculin, le football féminin a ses sélections phares. Parlons d’abord d’Europe. La référence du football féminin en Europe, c’est l’Allemagne. Championnes d’Europe en titre, les coéquipières d’Alexandra Popp jouissent d’un gros collectif pour faire face aux échéances internationales. Leur palmarès est le parfait témoin de cette domination : les Allemandes ont gagné les 6 derniers Championnats d’Europe de football féminin. A l’international, le palmarès récent de l’Allemagne est plus vide.
Les outsiders européens
Ont pu alors émerger deux autres nations européennes, à savoir la France et la Suède. Fortes de grosses individualités, comme Camille Abily ou Lotta Schelin, les deux équipes ont su s’imposer comme des outsiders de choix lors des grands rendez-vous. Demi-finaliste aux JO pour la France, et demi-finaliste à l’Euro pour la Suède, ces nations peinent à gagner des titres mais ont récemment changé de sélectionneur. De quoi donner une nouvelle impulsion à ces équipes. En outre, on peut saluer le retour en forme de la Norvège, la croissance de l’Angleterre ou encore les progrès du Danemark en matière de football féminin européen.
Les États-Unis au top
Mais, paradoxalement, la plupart des meilleures nations de football féminin ne se trouvent pas en Europe. En effet, les triples championnes olympiques en titre sont étasuniennes. Si elle ne brille pas au classement masculin, la première puissance économique mondiale est aussi la première du classement FIFA de football féminin. De quoi en faire taire certains sur les aptitudes balle au pied des habitants d’outre-Atlantique !
Tour du monde des forces en présence
L’Europe, les Jeux Olympiques… Quid de la Coupe du Monde ? C’est le Japon qui est tenant du titre ! Les filles de Norio Sasaki font peur à toutes les équipes qu’elles affrontent. Et pour cause, elles sont performantes ! En plus de la Coupe du Monde, le Japon a réussi à se hisser en finale des Jeux Olympiques 2012. Soulignons l’histoire grâce au Brésil qui, malgré des temps difficiles, reste une très bonne nation de football féminin aux fortes individualités, comme chez les hommes. Enfin, on ne peut pas omettre l’émergence du football féminin canadien. Après avoir remporté la Gold Cup 2010, le Canada a décroché le bronze olympique et s’impose comme une nation de plus en plus influente dans le monde du football féminin.
Championnats et Clubs
La finale de la Ligue des Champions 2013 opposant L’OL à Wolfsburg (0-1).
Deutsche Qualität
Au niveau des championnats, la référence du football féminin reste, comme les nations, l’Allemagne. La Frauen-Bundesliga tient notamment sa réputation grâce à des clubs qui font figures de surpuissances sur la scène européenne. Parmi ceux-là, le FFC Turbine Potsdam et le FFC Frankfort, avec respectivement six et sept titres nationaux, ont dominé le football outre-Rhin dans les années 2000. Aujourd’hui, un autre club s’est mêlé à la lutte. Il s’agit du VfL Wolfsburg. La section féminine du club des Loups a réalisé un triplé historique l’an passé en décrochant, en plus du championnat, la coupe nationale et la Ligue des Champions aux dépens de Lyon.
La France comme précurseur ?
L’Olympique Lyonnais justement domine outrageusement la D1 féminine. Véritable rouleau compresseur, le club des Fenottes, considéré en déclin depuis cette finale de Ligue des Champions perdue l’an passé, est effectivement en passe de remporter la quarantième édition du championnat et accessoirement son huitième titre consécutif. Pourtant, depuis l’arrivée d’investisseurs à Paris, la concurrence se fait beaucoup plus rude. Outre un PSG qui progresse d’année en année – compromettant l’hégémonie des filles chères à Jean-Michel Aulas – Juvisy et Montpellier, pionniers dans le domaine, font régulièrement partie des outsiders pour notamment se disputer la qualification en Europe.
The American Dream
Autre grande place du football féminin, les États-Unis ont néanmoins connu quelques difficultés pour promouvoir le soccer en dehors de l’équipe nationale double championne du monde (1991 et 1999). En effet, la Women’s Professionnal Soccer (WPS), disparue en 2012 pour manque de clubs participants, a laissé l’an passé sa place à la National Women’s Soccer League (NWSL). Et le manque de stabilité décrié auparavant devrait s’estomper puisque cette ligue professionnelle est pour la première fois gérée par la Fédération américaine de soccer. La première édition qui s’est jouée d’avril à août 2013 a vu s’imposer le FC Portland Thorns dans une phase de play-offs qui oppose les 4 premières équipes (sur 8 engagées). A noter que, comme en NBA, les différents clubs se servent de l’important vivier universitaire lors d’une College Draft pour sélectionner des joueuses prometteuses.
Arsenal a des titres !
Ailleurs, on peut noter un championnat anglais compétitif où les habituelles grandes favorites, les Ladies d’Arsenal (14 fois championnes), ont laissé cette année Liverpool gagner leur premier titre. Autres précurseurs, les championnats nordiques comptent dans leurs rangs des habitués de la Ligue des Champions, à savoir LdB FC Malmö, Tyresö, Umeå IK (Suède), Brøndby IF (Danemark), Stabæk FK (Norvège) ou encore le FC Twente (Pays-Bas).
La montée du Barça
Pour finir, d’autres clubs bien connus du monde masculin montent petit à petit en puissance. Entre le Standard de Liège et l’Ajax Amsterdam en BeNe League (fusion du championnat belge et hollandais), le FC Barcelone s’est démarqué en Espagne en remportant les trois dernières éditions de la Primera Division Femenina. Mieux, les Blaugranas ont même gratifié leur bonne saison avec un quart de finale en Ligue des Champions (ndlr : perdu face à Wolfsburg) alors qu’elles ne disputaient que leur seconde édition. Prometteur.
Joueuses
Alex Morgan et Abby Wambach, le duo chic et choc des Etats-Unis.
Le football féminin, c’est aussi et bien évidemment des joueuses. Et s’il a connu des légendes comme l’Américaine Mia Hamm, l’Allemande Birgit Prinz ou les Françaises Marinette Pichon ou Sonia Bompastor, les talents ne manquent pas aujourd’hui. Petit tour d’horizon poste par poste :
Gardiennes
Le poste de gardien de but est souvent moqué en football féminin. Sarah Bouhaddi, gardienne de l’OL et de l’EDF, auteure d’une « bourde » fatale lors des demi-finales des Jeux Olympiques en 2012 face au Japon, pourra en attester. La gardienne la plus connue reste Hope Solo. L’Américaine de 32 ans est une icône et une référence du football féminin, en témoigne son titre de meilleure gardienne du mondial 2011. Autre gardienne phare, la portière allemande Nadine Angerer (131 sélections) a été nommée meilleure joueuse du dernier Euro. Dans la catégorie, on peut aussi noter Ayumi Kaihori (Japon) grande artisane de la victoire nippone en Coupe du Monde il y a trois ans.
Défenseures
Différents profils forts au niveau de ce secteur. Outre la jeune, talentueuse et déjà expérimentée Wendie Renard (23 ans), Nilla Fischer (Wolfsburg) ou encore la Parisienne Annike Krahn (Allemagne) s’apparentent aux Thiago Silva ou Sergio Ramos féminins. Laura Georges (PSG) et Saskia Bartusiak (Francfort) en sont les noms les plus expérimentés. Avec respectivement 22 et 23 ans, la Montpelliéraine Jennifer Beattie (Ecosse) et la Lyonnaise Saki Kumagai (Japon) font office des plus prometteuses au poste. Sur les ailes, les noms à retenir sont Alex Scott (Arsenal), Leonie Maier (Bayern Munich) ou encore Laure Boulleau (PSG).
Milieux de terrain
Dans un registre défensif, les principales joueuses, connues pour impulser le milieu de leurs équipes respectives, sont Lena Goessling (Wolfsburg), Amandine Henry (Lyon), Shirley Cruz (PSG), Ingvild Stensland (Norvège), Caroline Seger (Suède), Jill Scott (Manchester City) ou encore Homare Sawa (Japon). Offensivement aussi, du beau monde est présent. Pour animer le jeu, on peut notamment citer Louisa Necib et Camille Abily pour l’Equipe de France mais également les Allemandes Dzsenifer Marozsán, Linda Bresonik et Fatmire Bajramaj ou les Américaines Megan Rapinoe et Lauren Cheney.
Attaquantes
Pour succéder à Mia Hamm et ses 158 buts en 275 sélections, les Etats-Unis ont trouvé deux sérial-buteuses en la personne d’Abby Wambach et Alex Morgan qui jouent actuellement dans la NSWL. La première (167 buts en 218 sélections) représente l’expérience (33 ans) et a été nommée ballon d’or féminin en 2012 quand la seconde (24 ans) représente l’avenir de la sélection. Dans le genre pointes de classe internationale aux folles statistiques, on peut également citer les Lyonnaises Lotta Schelin (Suède) et Eugénie Le Sommer (France), la Parisienne Marie-Laure Délie (France), Patrizia Panico (Torres Calcio, Italie), Veronica Boquete (Portland, Espagne), Christine Sinclair (Portland, Canada), Yuki Ogimi (Chelsea, Japon) ou l’armada allemande composée de Conny Pohlers (Wolfsburg), Inka Grings (Cologne) ou Celia Šašić (Francfort).
Entraîneurs et Sélectionneurs
Pia Sundhage, une référence dans le coaching du football féminin.
Évoquons pour finir les sélectionneurs. Et on fait bien de garder ce mot au masculin, car contrairement au football masculin où les hommes sont toujours entraînés par des hommes, les femmes sont quant à elles entraînées en majorité par des hommes. Même si, parmi les meilleurs sélectionneurs, on compte des femmes au top.
Grandes sélections pour grandes sélectionneuses
La référence à ce niveau, c’est Pia Sundhage. La Suédoise, sélectionneuse des États-Unis entre 2008 et 2012, est retournée au pays pour prendre en charge la sélection suédoise. Mais son succès n’est pas du tout remis en question : elle a raflé deux médailles d’or olympique avec les États-Unis, et est arrivée en finale de la Coupe du Monde 2011. Elle a remporté le prix de la meilleure entraîneuse de l’année 2012, décerné par la FIFA. Celle qui se plaint souvent du manque de femmes aux postes de coachs au niveau des sélections n’ira pas blâmer l’Allemagne. En effet, la sélection d’outre-Rhin est emmenée par Silvia Neid depuis 2005, elle qui était déjà adjointe depuis 1996. Près de 75% de victoires pour elle, sans compter tous les titres qu’on lui connaît. Son palmarès personnel est plus grand que celui de Pia Sundhage, puisqu’elle a remporté deux fois le prix de meilleur entraîneur de football féminin, en 2010 et en 2013, soit la moitié des titres décernés depuis la création de cette entité.
Il y a toujours un meilleur
Si Sundhage en a un de 2012, que Neid en a deux en 2010 et 2013, et qu’il y en a quatre en tout : quelqu’un d’autre a remporté ce trophée de meilleur entraîneur en 2011. Et c’est là qu’on note que la domination n’est pas totalement féminine puisqu’en 2011, c’est Norio Sasaki, le sélectionneur japonais, qui a remporté le Graal. Depuis 2008, le technicien japonais contribue largement au progrès de son équipe, pour laquelle il a construit un collectif très solide qui efface largement les carences du Japon au niveau des individualités dans la sélection. Le jeu qu’il applique, notamment aux Jeux Olympiques, peut être comparé à celui de José Mourinho chez les hommes, se voulant strict, organisé et surtout irréprochable défensivement.
Fins et débuts de cycle
Ce sont les trois plus grands sélectionneurs de football féminin à l’heure actuelle. On peut également citer Bruno Bini, débarqué de son poste chez les Bleus après l’Euro Féminin 2013, ou Hope Powell, démissionnaire en août dernier suite au désastre de l’Euro pour les Anglaises. La sélectionneuse était à son poste depuis 15 ans. Elle est remplacée par un homme, comme Bruno Bini. On soulignera aussi le dévouement total du jeune sélectionneur anglais John Herdman (38 ans), en poste au Canada depuis 2011 après avoir entraîné la Nouvelle-Zélande depuis 2006. C’est grâce à ce genre de jeunes techniciens audacieux et précurseurs que le football féminin peut continuer à progresser. Ce ne sont pas tous les hommes qui acceptent d’entraîner des filles, même en 2014… Et encore moins quand il a commencé en 2006 !
En clubs, c’est très masculin
Au niveau des entraîneurs, la liste des noms se réduit. L’un des plus titrés reste Patrice Lair. Le coach de l’OL a presque tout raflé depuis qu’il a pris en charge son équipe. Si ça semble être la fin pour lui à Lyon, nul doute qu’il n’aura aucun mal à rebondir. Un autre homme s’est aussi fait un nom sur le plan international. Ralf Kellerman, coach allemand de Wolfsburg depuis 2008, est celui qui a fait tomber l’OL en Ligue des Champions la saison dernière. Enfin, comment ne pas citer le précurseur par excellence du football féminin en club ? Entre 1971 et 1992, avant de reprendre du service depuis 1997, Bernd Schröder (71 ans) dirige le club exclusivement féminin de Potsdam. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que l’Allemand a un palmarès long comme le bras. Champion d’Allemagne (réunifiée) à 5 reprises, d’Allemagne de l’est à 6 reprises, trois fois vainqueur de la Coupe d’Allemagne, vainqueur de la Ligue des Champions 2010, finaliste en 2011… En voilà un qui ne doit plus avoir beaucoup de place sur sa cheminée !
Le foot féminin, c’est tendance
Voilà de quoi vous intéresser au football féminin sans sécher sur une question de culture générale facile. Rassurez-vous : vous ne serez pas les seuls ! La discipline connait une croissance sans précédent et il semble que ce ne soit pas prêt de s’arrêter. Et rappelez-vous que le football féminin s’est pas réservé qu’à ceux qui peuvent y jouer et que, aujourd’hui, beaucoup d’hommes vont soutenir les filles de leurs clubs dans les stades le week-end ou lors des rencontres internationales. La sélection nationale défend les mêmes couleurs que les garçons dans des compétitions qui gagnent en prestige. Mais si le football féminin progresse sur le terrain, il ne faut pas oublier qu’il faut aussi que ça change en dehors. Comme expliqué un peu plus haut, beaucoup d’hommes entraînent des filles… Le cas inverse serait pourtant improbable. Même si ces hommes qui contribuent à l’essor du football féminin ont été essentiels, il est temps que les clubs et les fédérations prennent un nouveau risque. Après avoir été avant-gardistes sur la création de sections féminines, il faut désormais faire en sorte de reconvertir les joueuses, comme les joueurs, pour qu’à leur tour elles prennent place sur le banc en tant que coach et qu’elles montrent qu’au final, elles sont également tout à fait capables de transmettre leur passion.
Tant pis pour les casseroles, monsieur devra s’y mettre.
Anthony M. et Fabien F.