Abdón Porte, la mort plutôt que le banc

C’était le 5 mars dernier, tout le peuple Tricolor rendait hommage à Abdón Porte, mythe du Nacional de Montevideo et du foot uruguayen. Il y avait tout juste cent ans, le half back se donnait la mort d’une balle dans le cœur. Il avait 25 ans.
Abdón Porte portait littéralement le Nacional dans son âme, son cœur, son sang. Né à l’intérieur de l’Uruguay à Salto, il intégra le Bolso à 18 ans et connu tous les succès possibles avec son club. C’était un milieu défensif dur sur l’homme, énergique, ratisseur infatigable qui donnait absolument tout sur le terrain. Il ne trichait jamais. Très rapidement, il fut promu capitaine de l’équipe et collectionnera les trophées. Au cours de sa courte carrière, il remportera dix-neuf titres dont un avec la sélection. Suffisant pour devenir une véritable idole du Nacional.
Mais tout bascula en 1918. Dans une époque où les directeurs sportifs n’avaient que peu d’importance au sein des organigrammes, la commission technique de l’institution Tricolor réussit à convaincre le président du club qu’Abdon Porte était sur le décin. La décision fut prise d’engager un nouveau milieu défensif, Alfredo Zibechi, futur champion Olympique.
Abdón vécut très mal ce recrutement et, se sentant menacé, commença à bafouiller son football. Il n’était plus qu’un fantôme errant sur le terrain. Pour le joueur, son club était toute sa vie et il sentit qu’elle s’en allait, qu’il n’y avait plus sa place.
Une balle dans le coeur
Le 4 mars 1918, Nacional s’impose face au Charley Football Club avec Porte titulaire. Ce sera son dernier match. Comme d’accoutumée, les dirigeants et les joueurs célébrèrent la victoire au siège du club situé au centre de Montevideo. Abdón avait la tête ailleurs. Il quitta la fête en silence, prit un tramway et se dirigea au Parque Central, stade qu’il avait inauguré en 1911 avec ses compagnons et théâtre de ses exploits. Le lendemain, le chien jardinier Severino Castillo retrouva le corps de l’idole inerte, aumilieu du terrain le maillot du Nacional tâché de sang au niveau de la poitrine et deux lettres. Sur ces billets, le capitaine Bolso adressa deux requêtes à ses dirigeants. La première, fut d’être enterré aux côtés des premiers joueurs du Nacional et la seconde, fut de prendre soin de sa famille et surtout sa fiancée, avec qui il devait se marier en avril.
Plus bas, ce poème :
Que toujours soit devant
Ce club tant rêvé.
Je donne mon sang
Pour tous mes compagnons,
Aujourd’hui et toujours ce club immense.
Vive le Nacional !
Tout le pays resta sous choc et rendit hommage à celui qui se donna la mort ne supportant plus l’idée de continuer à défendre ses couleurs. Aujourd’hui encore, sa mémoire reste intacte. Une tribune du Gran Parque Central porte son nom, Eduardo Galeano lui dédia tout un chapitre dans oeuvre « El fútbol a sol y sombra » et Horacio Quiroga s’inspira de son histoire pour écrire la nouvelle « Juan Poltí, half back », qui termine par cette phrase :
Rien, pas même la gloire, n’est gratuit. Et si vous l’obtenez ainsi, fatalement vous le payez par le ridicule, ou par une balle de revolver dans le cœur.
El Pibe De Oreo