5 mai 1992 – Déjà 23 ans…

05
mai
2015

Posté par Anthony G.

Posté dans Coupes nationales / En affiche / Flash FS / Ligue 1

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Ce samedi 2 mai 2015, les supporters du Sporting Club de Bastia ont commémoré la catastrophe de Furiani survenue le 5 mai 1992 lors d’une demi-finale de Coupe de France, contre l’Olympique de Marseille. Les supporters bastiais ont observé plusieurs minutes de silence lors de la réception de Saint-Etienne. « Un silence assourdissant » comme le dit très justement le site site CorseNetInfos.fr. Le club a utilisé un maillot spécial lors du match, un choix validé : « Je trouve que c’est une excellente idée. C’est une bonne façon de rendre hommage aux victimes. » Un supporter du SCB précise que « les supporters et le club le demandent depuis la saison 2010/2011… refusé par la Ligue. » Cette année, le club aura passé outre les refus de la Ligue.

 

Ce jour de mai 1992 était « Une tragédie pour notre petite île, explique Solu, un supporter bastiais, il suffit de revoir certains documentaires et lire les témoignages de certaines victimes pour pouvoir comprendre le drame et la douleur de ce 5 mai. » Il n’a pas vécu cette date, il n’avait que trois ans, mais il a pris conscience des évènements avec ses proches.

 

Pour rappeler les faits à ceux qui en ont besoin… Le match est programmé à 20 h 30. Plus d’une heure avant le match, les supporters se massent au stade Armand-Cesari pour ce qui doit être une fête. Pourtant, la tribune Nord n’est pas encore sécurisée. Les employés de Sud-Tribunes, l’entreprise niçoise chargée de réaliser la nouvelle tribune, sont toujours présents. Ils revissent les boulons à quelques minutes du match ! « Le speaker demande aux supporters de la Nord de ne pas taper des pieds… Peine perdue. Carlos Mozer, défenseur marseillais, refuse d’aller chercher un ballon logé près du grillage. » Santo, supporter bastiais, exprime ce qu’il a vécu ce jour-là. Lui, qui a effectué le trajet depuis le continent pour le match, a une place dans cette tribune. Mais, signe du destin ou simple chance, « Je croise des parents qui me proposent de passer la première mi-temps avec eux et de retrouver la place qui m’est attribué en seconde période. Je les rejoins. » Son cousin Stéphane, avec qui il a effectué la traversée, le cherche dans la nouvelle tribune. Le speaker prononce le nom de Santo et puis…

 

« Il n’y avait plus personne derrière »

« Ce bruit sourd, un souffle. Nous nous regardons, nous tournons nos têtes vers la nouvelle tribune. Des rumeurs démarrent, presque à voix basse, mais elles enflent rapidement : la tribune est tombée. Je n’oublierai jamais. J’entends des gémissements comme si la terre souffrait. » Il se précipite alors et sort de la tribune Ouest pour une première vision du cauchemar. Après avoir hésité, il tente, comme de nombreux supporters du Sporting, de secourir les blessés. « Nous sommes beaucoup à aider. Je vois un homme allongé sur le dos, qui ne bouge pas. C’est le monsieur d’une soixantaine d’années avec qui j’ai dîné la veille sur le bateau. Je rencontre, hagard mais valide, un ami qui m’attrape le bras et me dit qu’il était sur la tribune, s’est retourné et qu’il n’y avait plus personne derrière« . Le reste de la soirée sera du même acabit : « Je ne pouvais pas rejoindre ma famille pour les rassurer. » Son cousin fait partie des personnes blessées mais, d’après Santo, il s’en est plutôt bien sorti. Épuisé, il a quitté le stade vers 4h du matin, pour une courte nuit. En début d’après-midi (14 h), étudiant à Aix-en-Provence, il a passé un examen avec un sentiment étrange : « avoir été sauvé de la mort mais ne plus rien avoir à faire ici. »

 

Avant le match, le stade de Furiani s'est figé pendant près de 8 minutes.

Avant le match, le stade de Furiani s’est figé pendant près de 8 minutes.

 

Solu avait trois ans à l’époque et ne connaît ces évènements que par ce qui lui a été raconté : « Je n’ai pris conscience de cette catastrophe que plus tard grâce à mes proches et surtout grâce à mon grand frère qui était au stade ce soir-là et qui a évité par miracle ce drame. Quand tu es Bastiais, tu vis avec ce 5 mai en mémoire, peu importe ton âge et le sport que tu pratiques. Ici, il y a forcement quelqu’un qui a vécu de près ou de loin ce drame. Un arrêt des matches ce jour-là serait une réponse positive forte pour les familles, qui chaque année, pleurent un père, une sœur, un mari… »

 

D’autant plus que, pour lui, le 5 mai 1992 n’est pas corso-corse : « Elle représente aussi une date tragique pour le foot français. N’oublions pas que c’était durant une demi finale de coupe nationale et non pendant un tournoi amateur régional. N’oublions pas non plus que des journalistes du continent sont aussi tombés. Cette catastrophe n’appartient pas qu’aux Corses. C’est une date souvent oubliée par les instances nationales, notamment avec la remise du trophée de champion à l’OM un 5 mai pour la saison 2009/2010, on ne l’oublie pas. Une date qui représente aussi la cupidité et la bêtise de l’homme, l’appât du gain. » En 2012, à l’occasion du 20ème anniversaire de la catastrophe, la journée prévue le samedi 5 mai avait été décalée au lundi 7 mai, férié. Un autre supporter bastiais partage cet avis : « Un arrêt des matches le 5 mai apporterait du respect et permettrait de se souvenirs ; pour les victimes et les familles. »

 

Laissons la conclusion à Santo : « Je connaissais des dizaines de personnes qui, ce jour là, sont tombées. Stéphane est tombé, mais hormis quelques vertèbres déplacées ou écrasées et une rate éclatée, il s’en est plutôt bien sorti. D’autres n’ont pas réussi à surmonter l’idée, la réalité d’un handicap à vie ou les diminuant. C’est à ces personnes que je pense aussi… au même titre que celles qui sont tétraplégiques ou paraplégiques. Ces personnes sont noyées dans le décompte officiel des victimes… »

 

En espérant avoir participé au travail de mémoire. Pour que les 18 morts et 2 357 blessés ne soient pas oubliés ! « Per voi, vinceremu ! » comme le disent les Bastiais.

 

Les Bastiais ont porté un maillot pour commémorer cette triste date du football français

Les Bastiais ont porté un maillot spécial pour commémorer cette triste date du football français

 

Pierre LG.

 

Crédits photos : Spiritu Turchinu, CorseNetInfos et le SC Bastia.